David et les médias

David Cohen avait prévu la relaxe de Bernard Papie l’homme d’affaire

Relaxe surprise pour Bernard Tapie

Par Stéphane Durand Souffland Publié le 09/07/2019 à 10:16, Mis à jour le 09/07/2019 à 18:37

Bernard Tapie au tribunal de Paris, le 4 avril 2019. Bertrand GUAY / AFP

Le ministère public avait pourtant requis de lourdes peines dans l’affaire de l’arbitrage controversé, qui avait octroyé 403 millions d’euros à l’ex-ministre.

L’inconnu se disait médium et assistait assidûment à l’audience. On rit sous cape quand il annonça, lors d’une suspension, la relaxe à venir de Bernard Tapie. Le mage avait vu juste : le tribunal correctionnel a prononcé, mardi, une relaxe générale dans l’affaire de l’arbitrage Adidas-Crédit lyonnais.

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Ce jugement a des allures de bérézina pour le ministère public, qui avait requis de lourdes peines à l’encontre de cinq des six prévenus – notamment 5 ans de prison ferme pour M. Tapie, 3 ans dont 18 mois avec sursis, 100 000€ d’amende et cinq ans d’interdiction de fonction publique pour Stéphane Richard, actuel PDG d’Orange. Mais le tribunal, présidé par Christine Mée, l’a renvoyé bredouille à ses études juridiques : il n’a retenu ni l’escroquerie, ni le détournement de fonds publics, dont l’existence fut pourtant soutenue par deux procureurs, au cours d’un réquisitoire très long mais insuffisamment étayé. La défense, en revanche, à commencer par celle de Bernard Tapie, a livré une contre-attaque qui, semble-t-il, a emporté ou conforté la conviction du tribunal. « Il apparaît que l’ensemble des griefs retenus à l’encontre de Bernard Tapie ne lui sont pas imputables personnellement, soit ne sont pas caractérisés, estiment les juges. En outre, il n’est pas démontré que les faits poursuivis au titre des manœuvres frauduleuses aient été déterminants pour l’exécution de la sentence arbitrale. La preuve que M. Tapie ait mandaté ou autorisé son conseil [Me Lantourne] à se concerter avec [le futur arbitre] Pierre Estoup (…) n’est pas rapportée. »

Dix jours pour faire appel

En ce qui concerne Stéphane Richard, à l’époque directeur de cabinet de la ministre de l’Économie et des Finances, ils écrivent que « les faits qui [lui] sont reprochés, dont il a été démontré qu’ils ne constituaient pas des manœuvres frauduleuses, n’ont aucun lien de causalité avec la sentence [arbitrale] qui a été rendue ».

Au sujet de Maurice Lantourne, avocat historique de M. Tapie, le tribunal note qu’« il n’y a pas de manœuvre à savoir manier habilement ses droits dans le cadre d’une stratégie judiciaire » – autrement dit, on ne va pas le condamner au motif qu’il est malin. Le fait qu’il ait connu l’un des arbitres, Pierre Estoup, avant la mise en place de l’arbitrage, n’est pas suffisant pour sanctionner une entente frauduleuse.

Sur Pierre Estoup, 92 ans, le seul des trois arbitres poursuivis – les deux autres sont Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, et Jean-Denis Bredin, avocat et membre de l’Académie française -, on lit que sa « désignation comme arbitre en octobre 2007 était conforme aux règles d’usage (…) Par contre, il ressort des débats des éléments de nature à établir l’existence d’un doute légitime sur l’indépendance et l’impartialité subjective de M. Estoup (…), mais il n’est pas rapporté la preuve que ces éléments aient été déterminants » dans la décision. Par capillarité, le sort des prévenus moins connus – Jean-François Rocchi et Bernard Scemama – s’éclaircit de lui-même.

Le parquet, qui n’a donc rien prouvé en première instance, dispose de dix jours pour faire appel. Pour l’anecdote, ses deux représentants à l’audience n’ont pas jugé opportun d’assister au prononcé du délibéré, préférant envoyer un collègue entendre, à leur place, la petite leçon de droit. Sollicités par Le Figaro sur leur absence, mardi, et sur un éventuel appel, Nicolas Baietto et Christophe Perruaux n’ont pas souhaité répondre.

Une situation ubuesque

Les développements judiciaires de cet arbitrage qui, en 2008, avait permis aux époux Tapie de toucher plus de 400 millions d’euros, dont 45 millions nets d’impôt au titre d’un supposé « préjudice moral », aboutissent à une situation ubuesque.

En 2016, la Cour de justice de la République (CJR) a condamné Christine Lagarde, ministre des Finances, pour « négligence », mais l’a dispensée de peine. Précisions importantes : la future directrice générale de la Banque centrale européenne a été sanctionnée non pas pour avoir participé à une présumée arnaque, ourdie par l’Élysée, au bénéfice de Bernard Tapie, mais pour ne pas avoir relevé appel de la sentence arbitrale. Et selon l’arrêt de la CJR, juridiction hybride critiquée de toutes parts et appelée à disparaître si la révision constitutionnelle aboutit, il y a bien eu détournement de fonds publics. Avis non partagé par le tribunal, qui a, pour des raisons juridiques (« ne bis in idem »), prononcé l’extinction de l’action publique pour ce chef de poursuite, et rassemblé tous les griefs dans le chef plus global d’escroquerie et complicité.

Par ailleurs, un jugement civil portant sur les conditions de la vente d’Adidas, validé par la Cour de cassation en 2017, a définitivement condamné les époux Tapie. D’après ce jugement, le Crédit lyonnais n’a pas lésé son client (M. Tapie soutient toujours le contraire) lors de la cession de l’équipementier sportif à Robert Louis-Dreyfus en 1993, pour l’équivalent de 315 millions d’euros. Quelle que soit la sentence pénale, les époux Tapie doivent à présent rembourser les quelque 403 millions (plus les intérêts) indûment perçus en réparation d’un préjudice jugé inexistant.

En apprenant la nouvelle de sa relaxe, Bernard Tapie qui, à 76 ans, subit une nouvelle chimiothérapie, a déclaré, fidèle à son personnage : « Mon cancer vient d’en prendre un sale coup dans la gueule ! »

Épargné au pénal mais pas au civil

Tandis que Bernard Tapie a été relaxé mardi au pénal, la Cour de cassation, elle, a rejeté le même jour un pourvoi formé par l’homme d’affaires contre un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait invalidé, en avril 2018, un premier plan de remboursement de son arbitrage annulé. Bernard Tapie doit rembourser les 403 millions perçus lors de l’arbitrage, lequel a été annulé au civil pour « fraude ».


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